Il a été également conseiller militaire du président de la commission de la communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest et chef de la cellule de crise Côte d'Ivoire au centre de planification et de conduite des opérations à l'état-major des armées.
Pour des raisons probablement liées à la pudeur, mais également parce que les pertes ont été très faibles, les participants à l'opération Daguet ont souvent évoqué cette campagne avec une certaine autodérision. Ils ont vaincu sans gloire. Le sang n'a pas suffisamment coulé. Il n’a pas permis d’authentifier la première et dernière guerre victorieuse à laquelle la France a participé depuis 1945. Or, cette « économie des forces » résulte pourtant d'une formidable maîtrise de l'art de la guerre par les soldats de la coalition. Une véritable performance que Sun Tzu n’aurait pas dénigrée.
La guerre du Golfe constitue bel et bien une épopée humaine au cours de laquelle les troupes alliées ont fait preuve de constance et de détermination pour se préparer puis affronter le destin quand les augures prédisaient 100 000 morts dans leurs rangs. Lorsque l’offensive terrestre s’est déclenchée, il a fallu du courage et de la détermination dans l'action. A l'image des sapeurs-légionnaires du 6ème régiment étranger de génie, quand aux commandes de leurs MPG, au milieu des champs de mines, ils dégageaient les itinéraires de la division Daguet, seuls devant les canons de nos chars.
Après la bataille, entre soldats, il était convenu d'affirmer qu'il s'agissait d'un exercice en grandeur nature dont le déroulé avait été parfait. Pourtant l'armée française a bel et bien combattu. Les prisonniers capturés lors de ces évènements ne me contrediraient certainement pas, aujourd'hui encore. Pas plus que mon équipage après l'expérience vécue lors de l'assaut sur l'aérodrome d'As Salman.
Je me suis longtemps demandé s’il y avait un intérêt à publier, vingt ans après, ce récit tiré de notes quotidiennes écrites pendant sept mois d'opérations. D’une part, parce que les Bergot, Gandy ou Dufour se sont déjà livrés à cet exercice dans l’immédiat après-guerre, avec un certain succès. D’autre part, que peut-on tirer d’un tel témoignage ? Une aventure vécue au jour le jour où le courage et le professionnalisme de nos soldats ne se sont finalement traduits que par la seule destruction d’un adversaire affaibli, façonné, réduit à l’incapacité d’agir ?
Plusieurs facteurs ont fini par me convaincre. D'abord, vingt ans, c'est une génération. Je me souviens que lorsque je me suis engagé en 1984, nous lisions avec curiosité les faits d'armes de nos anciens qui combattaient en Algérie vingt ans plus tôt. Ensuite, j’ai voulu raconter une histoire qui s'est bien terminée, parce que la préparation minutieuse pendant des mois durant a garanti l’économie du sang de nos soldats lors de l’assaut. C'est sur la dimension de ce témoignage que le général Bonnemaison est intervenu pour me décider.
Au cours de ma carrière, j’ai eu la chance de commander deux groupements tactiques interarmes. D’abord début 2003, en République de Côte d'Ivoire avec le 1er REC. Pendant cette phase de l’intervention, la France figeait par la force la situation entre les rebelles et les loyalistes. Puis par la suite au Liban, de fin 2008 à janvier 2009, pendant la guerre de Gaza. Pour ces deux cas dissemblables existent deux conditions d'engagement et d'ouverture du feu. Aussi différente fut l’épopée magnifique de la Task Force Tiger en vallée de Kapisa remarquablement relatée par son chef, le colonel N. Le Nen. Elle dépeint encore une autre manière de procéder. Dans cette diversité se retrouvent de nombreux points communs.
Ces différentes expériences m'ont poussé à écrire pour compléter ce témoignage afghan. En déclinant cette fois le récit au niveau du peloton ou de la section. Car ce pion vit une aventure particulière et singulière au sein de la grande aventure du régiment en opérations. Il fallait la décrire.
Le lieutenant à la tête de son peloton possède un niveau de préoccupation bien différent de son chef de corps. Il a une vision limitée de la manœuvre du groupement tactique. Le combat qu’il mène n’est cohérent que vu dans l’ensemble de l'action globale conduite par le régiment.
Pourtant ce chef de peloton en constitue un maillon essentiel : c'est celui qui est dans la mêlée, qui se bat, entraînant ses frères d'armes. C’est lui qui va les « emmener à la riflette ». Il partage tout avec eux, les conditions de vie, les risques et les peurs, la fatigue et l’usure. Derrière lui et avec lui s'élanceront ses hommes. Avec lui ils résisteront. Vers lui les regards seront tournés quand la bataille se déclenchera ou quand tout ira mal.
Chef de peloton ou chef de section n’est certainement pas le métier le plus compliqué, c’est pourtant le plus exigeant, le plus difficile.
Alors qu'aujourd'hui le focus se porte naturellement vers le théâtre afghan où la guerre à travers le mode particulier de la contre-insurrection est redécouverte, j'ai estimé qu'il était temps de rendre hommage aux soldats de Daguet et en particulier aux hommes qui m’ont été confiés, ces légionnaires qui m'ont embarqué dans ma première opération.
Avant d’entrer dans le récit, il me paraît important de souligner que je n’ai pas cherché à réécrire cette campagne. Pour plus d’authenticité, les faits rapportés sont bruts. Comme nous les avons vécus. Les informations sont telles qu’elles nous sont parvenues. Certaines peuvent avoir été contredites plus tard par les analyses à froid de la bataille. Ces distorsions ne font que témoigner du fameux brouillard de la guerre décrit par Clausewitz. J’ai gardé les noms des officiers, des sous-officiers et légionnaires qui m’ont entourés. Seuls ont été changés ceux des légionnaires dont l’exemplarité du comportement a pu faire, à un moment ou un autre, l’objet de sanctions.